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Manifeste agile et confinement - une rétrospective

Introduction - retour sur le manifeste agile #

Relisons-le ensemble, il est là:

=> https://agilemanifesto.org/iso/fr/manifesto.html

Manifeste pour le développement Agile de logiciels

Nous découvrons comment mieux développer des logiciels par la pratique et en aidant les autres à le faire. Ces expériences nous ont amenés à valoriser :

Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils Des logiciels opérationnels plus qu’une documentation exhaustive La collaboration avec les clients plus que la négociation contractuelle L’adaptation au changement plus que le suivi d’un plan

Nous reconnaissons la valeur des seconds éléments, mais privilégions les premiers.

Notez que la comparaison “les individus et les interactions plus que processus et les outils” est en premier.

Comme le reste de l’article s’appuie sur ce concept je vous propose de le nommer “Principe d’Humanité” ci-dessous pour plus de lisibilité.

D’un autre côté “réagir au changement plus que suivre un plan” est en dernier et c’est pourtant la phrase qui donne son titre au manifeste - l’adjectif “agile” a été choisi pour s’y référer. Par conséquent, c’est la partie “réagir au changement” que l’on retient le plus, alors que le Principe d’Humanité est beaucoup moins connu.

Explorons ensemble ce paradoxe, en se replongeant dans l’effet du confinement en entreprise.

Ce qu’était le confinement #

Le confinement au niveau des individus #

Du jour au lendemain, tous les salariés de la société ont été obligés de travailler depuis leur domicile. Les réactions de chaque personne ont été très différentes, entre :

Celles qui préfèrent tout simplement ne plus avoir à venir au bureau - pour un tas de raisons diverses (temps de trajet, peur de contaminer des proches, envie de passer du temps avec ses enfants, etc …)

Celles qui tolèrent mal le confinement - également pour des raisons diverses (besoin de socialiser avec les autres salariés, pas les bonnes conditions matérielles chez elles, etc …)

Celles qui ne le tolèrent pas du tout et cessent de travailler (cela peut aller de la simple perte de motivation en passant par la démission ou la dépression nerveuse)

Sans oublier les personnes qui pratiquaient le télétravail depuis déjà longtemps, ou celles qui ont simplement changé d’emploi

Nous voyons ici que la bonne façon d’aborder le problème du confinement doit nécessairement prendre en compte les individus au sens fort - c’est-à-dire pas seulement les personnes une par une, mais des personne singulières - dotées de personnalités propres.

Le confinement au niveau des interactions entre individus #

D’un autre côté, les conditions matérielles des interactions entre individus ont radicalement changé.

Prenons par exemple le cas d’une conversation entre deux personnes (je laisse de côté les réunions à plusieurs qui mériteraient un article à part).

Voici une liste non-exhaustive des différentes façons dont une conversation de travail peut avoir lieu si les deux collègues sont face à face :

  • de part à et d’autre d’un bureau pour un conversation “officielle”
  • entre deux portes - par exemple juste avant ou juste après une réunion
  • autour de la machine à café pour parler de la météo
  • autour d’un verre dans un bar en fin d’après-midi pour décompresser après le boulot
  • à la table d’un restaurant le midi pour une réunion commerciale
  • etc.

Voici une liste exhaustive des différentes façons dont une conversation peut avoir lieu si les deux personnes ne sont /pas/ face à face :

  • voix seulement (téléphone)
  • texte seulement (SMS ou messagerie instantanée)
  • vidéo-conférence (audio et vidéo - avec messagerie instantanée incluse ou non)

Et c’est à peu près tout ce que la technique permet aujourd’hui - qu’on le veuille ou non !

Ainsi, la question posée par le confinement en entreprise peut être formulée ainsi : comment reproduire toute la richesse permise par les discussions face à face ?

Notez que cette question n’est ni problème technique, ni un problème financier, ni un problème de processus, mais bien d’interactions entre individus …

L’impact du confinement sur une entreprise fonctionnant sans le Principe d’Humanité #

La thèse que je veux défendre est celle-ci : si l’entreprise dans son ensemble a oublié l’importance des individus et de leurs interactions, elle n’a aucun bon moyen de gérer correctement la question du confinement !

De fait, elle va naturellement ignorer le problème principal et s’occuper à la place des problèmes qu’elle sait déjà gérer, c’est à dire les problèmes pour lesquels il existe déjà un processus.

Par exemple la perte de clients, les problèmes d’approvisionnement etc. liés au confinement sont des soucis financiers ou logistiques pour lesquelles les solutions sont connues.

Au final, les problèmes liés véritablement au confinement vont être perçus comme des problèmes “d’organisation du travail”.

Ainsi, en supposant que l’entreprise survive, elle risque de prendre des décisions qui n’adressent pas vraiment la question, comme “mettre en place un nouveau processus de travail” (phrase floue si l’en est) - en s’inspirant de processus déjà existants comme SAfe, SCRUM, ou OKR pour ne citer que les plus connus.

À l’extrême, l’entreprise va économiser sur le prix de l’immobilier en optant pour des locaux plus petits (ou pas de locaux du tout) et compenser de la sorte le manque de productivité de la “masse salariale” …

L’impact du confinement sur une organisation fonctionnant suivant le Principe d’Humanité #

La question posée par le confinement reste compliquée, bien sûr, mais au moins ce n’est pas un problème différent en nature de ceux que l’organisation sait déjà traiter.

Et en tout cas, une entreprise suivant le Principe d’Humanité aura de bien meilleures chances de gérer correctement la fin du confinement.

Conclusion et retour sur l’agilité en entreprise #

Réduire la question du confinement à “il faut trouver un moyen technique de travailler à distance”, et simplement investir dans la visioconférence et des outils collaboratifs en ligne, est, je pense, manquer l’essentiel.

Au passage, c’est aussi ignorer que l’Humanité a déjà connu dans l’histoire des conditions similaires au confinement - typiquement, un couvre-feu pendant la guerre.

J’espère vous avoir convaincu maintenant que le dernier principe agile (réagir au changement) découle en fait du premier.

En effet, les entreprises qui valorisaient les individus et leurs interactions par-dessus le le reste ont probablement pu réagir au changement qu’était le confinement bien mieux que les autres sans nécessairement avoir besoin de faire de plan - ce qui de toutes façons était très compliqué (souvenez-vous de votre propre état mental lors du premier confinement).

En réalité, les entreprises qui ont oublié le Principe d’Humanité sont finalement fort peu capables de réagir à des changements non prévus et sont finalement … peu agiles.

D’ailleurs, la seule chose qui ne changera probablement jamais dans une entreprise, c’est que c’est un ensemble complexe et mouvant d’individus et d’interactions …


Merci d'avoir lu jusqu'au bout !

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